Colloque de Wuhan des 28 et 29 septembre 2006
« Le droit à l’environnement et sa protection »
LA PROTECTION ECONOMIQUE ET FINANCIERE
DU DROIT A L’ENVIRONNEMENT
Patrick THIEFFRY
Docteur en droit
Avocat aux barreaux de Paris et de New York
THIEFFRY & ASSOCIES
Chargé d’enseignement aux Universités de Paris I (Panthéon-Sorbonne)
et Paris II (Panthéon-Assas)
Sur le terrain strictement juridique, il paraît bien difficile de considérer que le droit à l’environnement soit, à proprement parler, susceptible d’une protection économique et financière. Dans la conception anthropocentrique de l’environnement qui prévaut en droit français, le droit à l’environnement est un droit centré sur l’homme, un droit subjectif, reconnu à « chacun », c’est-à-dire un droit-créance, dont tout individu peut rechercher la sanction en justice. A contrario, il ne s’agit pas d’un droit accordé à l’humanité toute entière ou à l’environnement pour lui-même, d’un droit ayant pour finalité la protection de l’environnement.
Or, les moyens visant à la protection économique et financière sont, au moins en l’état, en matière environnementale, bien loin d’assurer la protection d’un tel droit subjectif. Plus généralement connus sous l’appellation d’instruments économiques et financiers de protection de l’environnement, c’est plutôt celui-ci dans son ensemble qu’ils visent que tel ou tel de ses usagers, voire que l’ensemble des humains.
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Pourtant, les instruments économiques et financiers reposent sur l’analyse micro-économique des phénomènes de marché, celle qui est invoquée au soutien du principe pollueur payeur. Découvert pendant la décennie des années 1970 et largement explicité depuis lors par de nombreux travaux de l’OCDE, le principe pollueur payeur n’a d’abord été sollicité que de manière fonctionnellement limitée. Pour la politique communautaire de l’environnement, il s’agissait que le pollueur supportât le coût du respect des normes environnementales et il n’était qu’envisagé de lui faire payer une redevance correspondant à sa quote-part des mesures collectives correctrices ; aux Etats-Unis, il nourrissait un très important contentieux de la réparation des dommages environnementaux reposant sur un acteur privilégié, l’Environmental Protection Agency, qui disposait d’un instrument de mutualisation, le fameux « Superfund » lui permettant de mettre en cause la responsabilité des exploitants d’activités réputés avoir causé la pollution.
Lexpression pratique du principe pollueur payeur a ainsi longtemps été confinée dans la Communauté européenne à la limitation des aides publiques reportant sur la collectivité la mise aux normes des activités environnementales. Cette démarche était d’autant plus aisée qu’elle s’inscrivait dans la ligne de l’interdiction des aides d’Etat susceptibles de fausser la concurrence. Dans une communication quelle adressait aux Etats membres le 7 novembre 1974, intitulée « Encadrement communautaire des aides dEtat à lenvironnement », la Commission déclarait ainsi que, pendant une période transitoire de six ans, elle autoriserait, dans certaines conditions, loctroi daides nationales visant à faciliter ladaptation des entreprises existantes aux nouvelles normes qui leur imposent des charges supplémentaires pour la protection de lenvironnement. Cependant, cet encadrement a été prorogé, avec certaines modifications, en 1980, puis en 1987, en 1994, en 1999 et encore en 2000. Un nouvel encadrement lui a même succédé en 2001, dont l’échéance est fixée au 31 décembre 2007. Et un plan d’action de juin 2005 suggère de limiter ces aides aux situations correspondant à un objectif d’intérêt commun bien défini, tel que le développement durable.
Ainsi, alors qu’il avait été prévu dès 1973 d’élaborer des méthodes d’évaluation du coût de certaines pollutions et une analyse des instruments économiques pouvant être utilisés en tenant compte du principe pollueur payeur, sa conception communautaire ne s’est réellement ouverte aux instruments économiques que dans les années 1990. Depuis lors, le recours aux mécanismes du marché est invoqué par le législateur communautaire de manière assez systématique. D’ailleurs, en 1993, le cinquième programme communautaire d’action pour l’environnement en a fait l’un de ses principaux supports.
La notion d’instrument économique est elle-même assez souple, au point qu’il soit concevable qu’elle recouvre des approches juridiques très différentes. Par exemple, certains instruments permettant aux entreprises de s’engager de manière facultative peuvent s’en réclamer. En effet, les industriels qui souscrivent ces « engagements volontaires » subissent les coûts des démarches occasionnées aussi bien que ceux que des mesures environnementales qui en résultent, le cas échéant. Et les consommateurs, informés qu’ils sont - ou devraient être - de ces démarches, devraient en contrepartie les favoriser dans leurs choix. Pourtant, en raison notamment de leur succès pour le moins relatif, les deux principaux dispositifs européens régissant des engagements volontaires ont du être profondément réformés une dizaine d’années après leur création.
Même des accords plus ou moins formels conclus dans le domaine de l’environnement peuvent aussi, dans une certaine mesure, se réclamer de la logique des instruments économiques. Par exemple, le code de bonne pratique environnementale dans le secteur des détergents textiles ménagers, adopté par l’Association internationale de la savonnerie, de la détergence et des produits d’entretien (AISE) avec l’approbation de la Commission européenne prévoit l’amélioration de l’information des consommateurs en vue d’assurer un dosage adéquat des détergents grâce à un étiquetage détaillé et des réductions de la quantité d’énergie utilisée par cycle de lavage, de la consommation per capita de ses produits, de leurs emballages primaires et secondaires et de leur teneur en ingrédients organiques faiblement biodégradables. De la même façon, l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) a souscrit un engagement qui concerne les émissions de dioxyde de carbone par les véhicules construits par ses membres, mais la presse s’est récemment fait l’écho de l’insuffisance des progrès enregistrés et de la menace d’une intervention réglementaire.
Ces quelques exemples illustrent bien l’hésitation suscitée par le la proposition selon laquelle le droit à l’environnement pourrait faire l’objet d’une protection économique et financière. Les instruments dont s’agit ont pour fonction de protéger l’environnement, non de profiter à ses usagers pris individuellement. Pour s’en tenir au dernier de ces exemples, il ne saurait être soutenu que la réduction des émissions de dioxyde de carbone par les véhicules automobiles n’aie pas pour vocation première de lutter contre les changements climatiques, donc de protéger l’environnement dans son ensemble.
De manière quelque peu paradoxale, en effet, s’ils reposent sur une analyse micro-économique, les instruments économiques et financiers ont un objet qu’il serait tentant de qualifier de « macro-environnemental » s’il ne s’agissait d’un néologisme. Il en est ainsi parce qu’on en cherche vainement qui protègent l’environnement d’un point de vue subjectif.
Certes, dans un tout autre registre, la politique communautaire de l’environnement a vécu une longue évolution conceptuelle qui l’a conduite à prévoir des mesures correctrices individuelles, à l’instar du dispositif central qui a fait le succès du droit américain. Il a, dans un premier temps, été envisagé d’harmoniser les régimes nationaux tant en matière de responsabilité civile du fait des dommages traditionnels de nature environnementale que de réparation des dommages à la biodiversité. Mais, alors que le principe pollueur payeur exige la stricte démonstration du lien de causalité entre les activités visées, dangereuses ou non, et le dommage, un « allègement » de la charge de la preuve était envisagé au motif de la moins grande difficulté que rencontrerait l’exploitant défendeur pour faire la lumière sur les circonstances d’un sinistre environnemental dont il serait allégué qu’il résulte de son activité. Ce glissement se manifestait également dans la recherche d’une mutualisation des risques environnementaux par la voie de l’assurance, de fonds de compensation ou encore de garanties financières. Finalement, la directive n° 2004/35 du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, s’écarte sensiblement des perspectives qui paraissaient prévaloir pendant sa gestation : l’objectif essentiel des obligations envisagées est la protection de l’environnement par la prévention des dommages ou sa remise en l’état initial et cet objectif prend clairement le pas sur toute préoccupation de mise en œuvre du principe pollueur payeur. La directive prévoit ainsi expressément qu’elle ne confère aux parties privées aucun droit à indemnisation à la suite dun dommage environnemental ou dune menace imminente dun tel dommage, laquelle restera soumise aux législations nationales.
Quant à établir une relation entre les régimes traditionnels de responsabilité civile et une idée de protection économique et financière de l’environnement, il faudrait alors franchir un pas considérable. Ce n’est pas parce que la responsabilité civile permet de réparer un dommage personnel de nature environnementale, tout autant qu’un préjudice concurrentiel ou corporel, qu’elle se réclame du principe pollueur payeur ou qu’elle se justifie par un quelconque recours aux mécanismes de marché. Le rattachement ne se ferait alors que par raccroc, sans grand sens logique.
Au demeurant, la protection économique et financière de l’environnement se manifeste bien plus clairement par les mesures imposant une internalisation forcée des coûts externes environnementaux que par les démarches volontaires des entreprises et par la mise en cause de leur responsabilité. Ainsi que le prévoyait le cinquième programme d’action pour l’environnement, l’actualisation ou la réforme de la réglementation existante est de plus en plus fréquemment l’occasion de prévoir leur prise en charge par le bénéficiaire de l’activité.
Notamment, la directive n° 2000/60 du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de leau, participe d’un instrument économique. Elle nimpose pas l’internalisation stricte des coûts externes environnementaux liés à lusage de l’eau mais se limite à disposer, dans une formule leur laissant une marge d’appréciation significative, que « les Etats membres tiennent compte du principe de la récupération des coûts et services liés à lutilisation de leau ». Les Etats membres sont tenus de veiller à ce que, « dici à 2010 », la politique de tarification de leau se rapproche de linternalisation des coûts externes environnementaux à deux égards. En premier lieu, il est exigé que cette politique « incite les usagers à utiliser les ressources de façon efficace », ce qui est bien l’objectif dun instrument économique, mais sans en avoir nécessairement la rigueur puisqu’une telle incitation peut être réalisée par un simple signal donné aux usagers et prenant la forme d’une internalisation partielle. En second lieu, les différents secteurs économiques doivent contribuer à la récupération des coûts des services de leau, et ceci au moins en ce qui concerne chacun des secteurs industriel, des ménages et agricole, de manière « appropriée ».
De même, la totalité des coûts d’installation, d’exploitation, de désaffectation et d’entretien ultérieur des décharges doit être couverte par le prix exigé par l’exploitant conformément à la directive n° 1999/31 du 26 avril 1999, sur la mise en décharge des déchets. Les coûts facturés doivent être exhaustifs, témoin en est le fait qu’ils comprennent ceux de la désaffectation et de l’entretien du site, une fois celui-ci désaffecté, pendant une période d’au moins 30 ans.
Il s’agit là d’instruments économiques relativement simples, puisqu’ils agissent directement sur le prix d’un bien ou d’un service. Par là même, ils tendent à imposer à chacun des supporter les conséquences environnementales de son activité, mais ne protègent pas le droit de chacun à un environnement de qualité. Tel aurait également été le cas d’une écotaxe sur le dioxyde de carbone et la consommation d’énergie, longtemps projetée mais finalement victime de la règle qui exige l’unanimité des Etats membres de la Communauté pour l’adoption des mesures fiscales. De ces quelques propos liminaires, il paraît ainsi bien résulter qu’il n’existe pas aujourd’hui d’exemple de protection financière du droit à l’environnement.
En revanche, la protection économique et financière de l’environnement est désormais une réalité de plus en plus substantielle. Elle passe, depuis quelques années par des instruments tels que ceux susvisés, mais aussi par d’autres, plus indirects et plus novateurs. Ces instruments interpellent tout autant les agents économiques que les autorités publiques et les juristes vers lesquels ils se tournent dans l’espoir qu’ils les guideront dans leur mise en œuvre. Il en est ainsi, au premier chef, du système d’échange de droits d’émission des gaz à effet de serre, un type d’instruments économiques complexe, contesté sur un terrain moral car décrit comme reconnaissant un droit à polluer, mais se réclamant des mêmes mécanismes micro-économiques (I). Et, dans un tout autre domaine, un autre type encore d’instruments économiques trouve de multiples applications en matière de collecte et de valorisation de déchets aussi différents que les emballages usagés ou les piles et accumulateurs, alors que les véhicules hors d’usage ont fait l’objet de la première application du concept de « responsabilité élargie du producteur » et que cette approche s’est encore perfectionnée en matière de déchets électriques et électroniques (II).
I – LE SYSTEME D’ECHANGE DE DROITS D’EMISSION DES GAZ A EFFET DE SERRE
Le droit positif de l’environnement s’est enrichi, près de douze ans après la signature de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques adoptée lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, d’un dispositif novateur en Europe mais essentiel au regard de l’objectif alors adopté de « stabiliser ... les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique » et de tenter de ramener leurs émissions à leur niveau de 1990 dès l’an 2000. C’est dans cette perspective que le Protocole de Kyoto, intervenu le 10 décembre 1997, a fixé des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et décrit des mécanismes devant permettre de les atteindre. Globalement, rappelons-le, la Communauté européenne s’y est engagée à ce que ses émissions sur la période 2008-2012 soient inférieures de 8 % à ce qu’elles étaient en 1990 - l’ensemble des parties visant une réduction de 5% - en dépit de l’augmentation qui résulterait de la croissance économique en l’absence de mesures.
Lors de la Conférence de Kyoto, les Etats Unis avaient insisté pour que les mécanismes du marché soient sollicités à cette fin, non par la voie de l’éco-fiscalité jusqu’alors envisagée mais par le moyen d’un marché de droits cessibles d’émission des gaz à effet de serre. Un tel système avait été institué par le Clean Air Act en 1990 dans la perspective de la lutte contre les pluies acides, phénomène en revanche combattu dans la Communauté par de classiques limitations d’émission. Il y est aussi fait recours aux Etats-Unis pour les rejets de certains polluants dans l’eau. Le refus du Protocole de Kyoto par les Etats-Unis présente ainsi un certain caractère paradoxal puisque cette solution, n’ayant pas été retenue dans un premier temps par les parties au Protocole de Kyoto, a de nouveau été envisagée à Buenos-Aires en novembre 1998, puis à l’occasion d’autres conférences des parties, et qu’elle a fini par s’imposer lors de la septième d’entre elles à Marrakech en 2001.
Alors même que le Protocole de Kyoto n’était toujours pas entré en vigueur faute de ratification, en particulier, par les Etats-Unis, la directive n° 2003/87 du 13 octobre 2003, établissant un système déchange de quotas démission de gaz à effet de serre, s’est efforcée de provoquer une limitation des émissions des installations industrielles les plus fortement émettrices. Et, c’est là le paradoxe, elle l’a fait par le moyen que ce pays avait pourtant imposé en force. En effet, elle permet à leurs exploitants de commercialiser les droits d’émission qu’ils économisent en investissant pour réduire ces émissions.
Si le champ dapplication du régime institué, qui vise les émissions de gaz à effet de serre provenant d’installations dans lesquelles sont exercées certaines activités, est appelé à s’étendre, seul le dioxyde de carbone participe pleinement au nouveau dispositif dans une première phase. Les activités assujetties sont identifiées par deux caractéristiques distinctives, dont la première est qu’elles émettent du dioxyde de carbone. La seconde condition que doit remplir une activité pour être assujettie est de relever de certains secteurs identifiés. La directive prévoit expressément qu’elle pourra être amendée pour qu’en relèvent aussi des installations n’émettant pas de dioxyde de carbone, mais émettant d’autres gaz à effet de serre, d’une part, et, d’autre part, d’autres activités, notamment lindustrie chimique, la métallurgie de laluminium et les transports.
Les exploitants de ces activités ne peuvent les exercer qu’après obtention dune « autorisation démettre des gaz à effet de serre ». Une seule condition paraît posée à la délivrance de l’autorisation : il faut que lautorité compétente « considère que lexploitant est en mesure de surveiller et de déclarer les émissions » conformément à des lignes directrices pour la surveillance et la déclaration des émissions. S’il agit d’une autorisation spécifique, des dispositions ont été prises pour qu’elle ne crée pas d’interférence avec celles exigées au titre de la réglementation de droit commun par ailleurs applicable aux installations qui exercent de telles activités.
La notion centrale, qui sert de support à l’instrument économique, est celle de « quota autorisant à émettre une tonne déquivalent-dioxyde de carbone au cours dune période spécifiée … et transférable … ». La « tonne déquivalent-dioxyde de carbone » sapprécie par rapport au « potentiel de réchauffement planétaire » des différents gaz considérés. Un exploitant pourra disposer d’une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre, même avoir épuisé ses quotas. On verra d’ailleurs ci-dessous qu’il ne lui sera pas de ce fait à proprement parler interdit d’en émettre, ce qui est bien le signe d’un instrument économique et non d’une réglementation contraignante.
Le principe essentiel du dispositif est de créer un marché des quotas d’émission à propos duquel les principales questions se posent à des stades distincts du processus économique mis en place : celui du marché primaire ou « amont » des quotas (A), celui de leur marché secondaire ou « aval » (B) et celui de la reddition de comptes (C).
A- L’allocation des quotas
Chaque Etat membre doit élaborer un plan national d’allocation des quotas (PNAQ) fixant la quantité totale de quotas quil a lintention dallouer pour une période donnée sur la base de critères « objectifs et transparents ». C’est la voie par laquelle une réduction progressive des émissions est obtenue, le premier volet de ce que les américains appellent un système « cap and trade ». Il s’agit bien entendu, au premier chef, de faire en sorte que ce PNAQ soit compatible avec lobligation de limitation des émissions souscrite au titre du Protocole de Kyoto. Un certain nombre de facteurs doivent être pris en compte : la proportion des émissions couvertes par le système par rapport à celles qui ne le sont pas, la politique énergétique nationale, le besoin de permettre l’arrivée de « nouveaux entrants », etc.. Ce plan, adopté après consultation du public, est publié et peut être rejeté en tout ou en partie s’il n’est pas compatible avec ces objectifs.
Pour seule indication sur la méthode d’allocation des quotas, la directive dispose que, dans chaque Etat membre, 95 % des quotas sont octroyés gratuitement pendant une première période de trois ans à compter du 1er janvier 2005, puis 90 % d’entre eux pour la période de cinq années à compter du 1er janvier 2008. Rien ne permet a priori de déterminer les malheureux exclus du bénéfice des quotas gratuits. Ni comment est répartie l’insuffisance de quotas nécessaire à la bonne fin des objectifs poursuivis. En revanche, cette disposition donne aux Etats membres la possibilité de céder à titre onéreux 5 %, puis 10 %, des quotas, et en particulier, et c’est son but, de les mettre aux enchères. Ceci permet aux exploitants des installations les plus polluantes de gérer prévisionnellement les éventuels dépassements de leurs émissions par rapport au nombre de quotas qui leur aura été accordé. Mais il ne paraît pas exclu que ce type de dispersion des quotas permette aussi l’entrée sur le marché primaire de « personnes » autres que des exploitants, qu’il s’agisse d’entreprises non communautaires, de spéculateurs ou particuliers.
Quant à la vaste majorité des quotas, de manière plus générale, les principes qui président à leur attribution sont à peine esquissés, et de manière très partielle et indirecte. En pratique, c’est pour l’essentiel le PNAQ qui sert de référence. Il est vrai qu’il dirige l’attention vers certains éléments instructifs, tels que le potentiel technologique de réduction propre aux installations ou la moyenne des émissions et les progrès réalisables par chaque type d’activité. Des « référentiels » pourront à cet égard être établis.
Le PNAQ « peut contenir des informations sur la manière dont on tiendra compte de l’existence d’une concurrence de la part des pays ou entités extérieurs à l’Union ». Possibilité certes manifestement opportune eu égard au potentiel de désavantage compétitif et au risque de délocalisation souvent avancé lorsque la politique de l’environnement entraîne un renchérissement des coûts de production. Les secteurs d’activité les plus exposés à la concurrence internationale devraient bénéficier d’une certaine faveur par rapport à ceux qui en sont plus abrités. Cette faveur paraît pouvoir aller jusqu’à une gratuité systématique et totale des quotas, leur paiement initial n’étant pas conçu comme une condition d’efficacité du système. Des choix cornéliens n’en sont pas moins nécessaires pour obtenir la réduction des émissions concernées. La rareté devant en quelque sorte être distribuée est d’ailleurs encore susceptible d’être augmentée par le fait l’allocation des quotas doit se faire en tenant compte de « la nécessité d’ouvrir l’accès aux quotas aux nouveaux entrants ».
Les exploitants concernés peuvent être autorisés à utiliser des crédits d’émission générés par des « activités de projet » exercées au titre des « mécanismes de projet » prévus par le Protocole de Kyoto. La mise en œuvre conjointe avec d’autres pays développés figurant à l’annexe I de la Convention, prévue par l’article 6 du Protocole, donne lieu à la délivrance d’ « unités de réduction des émissions » (URC). Le mécanisme de développement propre de l’article 12 du Protocole permet d’obtenir des « réductions d’émissions certifiées » (REC). Il peut être permis aux exploitants d’utiliser des REC et des URE jusqu’à concurrence d’un pourcentage de l’allocation des quotas attribuée à chaque installation spécifié dans le PNAQ. En pratique, l’administration délivre et restitue immédiatement un quota en échange d’une REC ou d’une URE détenue par cet exploitant dans le registre national. Toutefois, ne peuvent être utilisées ni les REC et les URE générées par des installations nucléaires (jusqu’en 2013), ni celles résultant des activités d’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie.
La grande presse s’est fait l’écho de l’intérêt des MDP pour les entreprises les plus concernées et les pays en développement. Une centaine de projets ont été lancés totalisant 220 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone évitées d’ici à 2012, soit 6 milliards d’euros au cours actuel de 27 euros la tonne, et une vingtaine de projets supplémentaires est désormais approuvée chaque mois par l’ONU. Elle insiste à juste titre sur la façon spectaculaire dont en use la société RHODIA, qui pourrait de ce fait compter sur 250 millions d’euros de revenus annuels d’autant plus bienvenus qu’elle est en difficultés financières eu égard aux importantes charges de remise en état des sites pollués qui lui ont été apportés, et qui soutient deux des projets les plus importants – 9,15 millions de tonnes en Corée et 6 millions au Brésil.
B- L’instauration d’un marché de quotas
Second aspect du système « cap and trade », le marché de quotas – au sens le plus courant, c’est-à-dire celui de leur revente, encore dénommé marché secondaire ou « aval » - sera organisé : « les Etats membres s’assurent que les quotas puissent être transférés » entre personnes dans la Communauté européenne. Les quotas émis dans un Etat membre bénéficient de la « reconnaissance mutuelle » dans les autres Etats membres, selon le principe essentiel de la construction communautaire.
Plus largement, l’origine et le cadre véritablement internationaux du système ressurgissent en ce que ces transferts doivent aussi pouvoir intervenir avec des « personnes dans des pays tiers où ces quotas sont reconnus », reconnaissance qui doit résulter d’accords entre la Communauté et les pays figurant dans l’annexe B du Protocole de Kyoto. Dans tous les cas, ces transferts devraient être possibles « sans restriction autre que celles contenues dans la présente directive ou adoptées en application de celle-ci ».
Le bénéfice de ces garanties n’est pas limité aux exploitants des installations émettrices, mais s’étend à toutes les « personnes », ce qui, on l’a vu, comprend « toute personne physique ou morale ». C’est pourquoi des exploitants pourront céder des quotas « économisés » à des non-exploitants, intéressés soit pour les utiliser dans un pays tiers qui le permettrait, soit pour les revendre ultérieurement. Ce qui confirme que le marché secondaire verra ainsi intervenir des spéculateurs, certes, mais aussi des entreprises non communautaires ou des courtiers. Il est même imaginable que les quotas servent de garantie pour des opérations de financement à court terme. Ou que de simples écophiles fortunés acquièrent des quotas sur leur marché secondaire pour les retirer de la circulation afin de susciter une réduction accrue des émissions.
Le législateur communautaire n’a pas pris parti sur la nature juridique des quotas. Il aurait sans doute éprouvé de grandes difficultés à mettre d’accord les Etats membres sur une question qui peut être perçue comme mettant en cause le droit de propriété, lui-même aux limites de la compétence communautaire et, surtout, il n’en avait pas besoin, cet aspect du système n’étant pas déterminant de son bon fonctionnement, comme c’est souvent le cas en droit économique.
En ce qui concerne la France, si le quota opère comme « une unité de compte représentative de l’émission de l’équivalent d’une tonne de dioxyde de carbone », choix a été fait de qualifier les quotas de biens meubles. Contraire à l’avis de la doctrine publiciste la plus autorisée qui y voit des autorisations administratives, ce choix a l’approbation de la doctrine privatiste qui considère que cette prise de position a l’avantage de « sécuriser » cet aspect trop incertain du droit tout en n’étant pas dénuée de pertinence, le quota étant, selon l’acception juridique du bien, une « entité indentifiable et isolable, pourvue d’utilités et objet d’un rapport d’exclusivité », et ce en dépit de sa durée de vie juridique limitée.
Les quotas sont en France « exclusivement matérialisés par une inscription au compte de leur détenteur dans le registre national « et qu’ils sont « négociables, transférables par virement de compte à compte et confèrent des droits identiques à leurs détenteurs ». Mais, contrairement au droit commun, le transfert de propriété des quotas ne s’opère pas en France par le seul effet de l’accord de volontés. En effet, le code de l’environnement dispose que « le transfert de propriété des quotas résulte de leur inscription, par le teneur du registre national, au compte du bénéficiaire … », qui n’a donc pas simplement pour objet de faire la publicité de la vente réalisée.
C- La restitution des quotas
L’un des éléments cruciaux du système réside dans la reddition de comptes et la restitution subséquente des quotas utilisés qui doit intervenir à l’issue de chaque exercice annuel. Il est en effet prévu que, le 30 avril de chaque année au plus tard, tout exploitant dune installation concernée déclare à l’autorité compétente les émissions totales de l’installation au cours de lannée civile écoulée et restitue un nombre de quotas correspondant à ces émissions. Ces démarches doivent correspondre aux émissions « telles quelles ont été vérifiées …, et pour que ces quotas soient ensuite annulés ».
Les quotas non utilisés par un exploitant au cours de la période pour laquelle ils ont été délivrés ne sont pas pour autant nécessairement perdus : les Etats membres peuvent les remplacer par de nouveaux. Les entreprises pourront donc reporter d’une période sur l’autre leurs quotas non utilisés, pratique dite du « banking » pour laquelle elles avaient insisté.
A l’inverse, les exploitants qui, à l’issue d’un exercice annuel, ne restitueraient pas un nombre de quotas suffisant pour couvrir leurs émissions de lannée précédente, se verraient infliger une amende de 100 euros pour chaque tonne déquivalent dioxyde de carbone excédentaire, montant minoré pour la période initiale du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 à 40 euros par tonne d’équivalent-dioxyde de carbone. De plus, le marché jouera un rôle sanctionnateur important, puisqu’il y aura en quelque sorte une double peine qui exposera l’exploitant contrevenant à y être automatiquement confronté. En effet, le paiement de lamende ne le libérera pas de lobligation de restituer un nombre de quotas correspondant à ses émissions excédentaires. Cette obligation sera simplement reportée jusqu’à la restitution de quotas en rapport avec les émissions de lannée civile suivante. En d’autres termes, le contrevenant devra, d’une part, s’acquitter d’une amende et, d’autre part, investir ou diminuer son activité pour limiter ses émissions l’année suivante de manière à, non seulement, ne plus excéder le nombre de quotas qui lui a été attribué, mais encore dégager un nombre de quotas lui permettant de rétablir l’équilibre de l’année antérieure a posteriori. Ou alors, il devra acquérir ce même nombre de quotas : c’est en partie ainsi que s’animera le marché secondaire des quotas si les allocations sont suffisamment basses pour ne pas suffire à couvrir les émissions de certains exploitants.
D’autres appendices, également inhabituels, du dispositif résident en l’interdiction temporaire de transférer des quotas pour les exploitants dont la déclaration d’émissions pour l’année précédente n’est pas reconnue satisfaisante et la publication du nom des exploitants en infraction de l’obligation de restituer suffisamment de quotas.
Enfin, pour assurer l’effectivité du système, les Etats membres tiendront des registres nationaux permettant une « comptabilité précise des quotas délivrés, détenus, transférés et annulés ». Il est à noter que la porte est ouverte à une forme originale de coopération entre Etats membres en permettant la tenue de ces registres « dans un système consolidé ». De surcroît, la Commission désignera un administrateur central, chargé de tenir un journal indépendant des transactions dans lequel sont consignés les quotas délivrés, transférés et annulés. Sur un plan pratique, on comprend qu’il ne sera donc pas possible pour les Etats membres de favoriser trop ouvertement leurs entreprises nationales par un laxisme leur permettant de prendre des libertés avec le système.
Toutes ces précautions réglementaires et administratives confirment le caractère illusoire d’une protection économique et financière qui ne reposerait pas sur un dispositif juridique permettant l’effectivité de l’internalisation des coûts externes environnementaux. Sans prendre parti sur la question de savoir si cette internalisation doit être quantitativement intégrale ou sur les mérites d’un simple signal adressé aux agents économiques visés, une certaine adéquation doit être trouvée entre le phénomène environnemental considéré et la charge financière qu’il justifie. A défaut, ceux que les économistes qualifient de « free riders » tiendraient le système en échec en en suscitant le rejet par les agents qui le supporteraient.
Peut-être de manière plus tangible encore que les systèmes d’échange de droits d’émission, la responsabilité élargie du producteur illustre bien les difficultés pratiques auxquelles peuvent être confrontées les autorités.
II – La responsabilité élargie des producteurs à l’égard des produits hors d’usage
Les obligations de contribuer à l’élimination des déchets, progressivement imposées depuis le milieu des années 1990, s’inscrivent dans le prolongement des travaux de l’OCDE sur la « responsabilité élargie du producteur » (REP), définie comme « un instrument de politique de l’environnement qui étend les obligations du producteur à l’égard d’un produit jusqu’au stade de son cycle de vie situé en aval de la consommation ». Sa finalité est ainsi d’envoyer implicitement un signal aux producteurs, réputés responsables de cette phase finale, « pour qu’ils diminuent les incidences environnementales correspondantes en modifiant la conception des produits ». Elle présente, dans cet esprit, deux caractéristiques interdépendantes : le transfert en amont de la responsabilité des collectivités locales vers les producteurs et l’incitation à la prise en compte des aspects environnementaux dans le cadre de la conception des produits. La question du financement est explicitement envisagée : « Une politique de REP doit être conçue de façon à inciter les producteurs à absorber les coûts sociaux du traitement de leurs produits. Tout coût inévitable pourrait donc être incorporé dans les prix des produits, et il appartiendrait aux producteurs et aux consommateurs – et non aux contribuables – de supporter les coûts sociaux (externalités) ». Le caractère d’instrument économique des mesures mettant en œuvre la REP n’est ainsi pas douteux.
En ce qui concerne la Communauté européenne, déjà en 1993, le cinquième programme communautaire de politique et d’action pour l’environnement prévoyait que la hiérarchie des modes de gestion des déchets, favorisant leur prévention, serait poursuivie et renforcée, et en particulier que « l’analyse du cycle de vie sera stimulée afin d’inciter les personnes concernées à atteindre à brève échéance les objectifs fixés (…). Le cas échéant, les instruments économiques et fiscaux tels que des taxes et des prélèvements seront appliqués». Depuis, l’adoption de la REP par les autorités communautaires a été affirmée de manière expresse à plusieurs reprises, en particulier en relation avec les évolutions de la « Stratégie communautaire pour la gestion des déchets » qui font l’objet de communications périodiques de la Commission. Par exemple, le Parlement européen a souhaité en 1996 des mesures dans les domaines des pneus usés, des véhicules hors d’usage, des déchets sanitaires, des déchets électriques et électroniques, des déchets de construction et de démolition ainsi que de petites quantités de déchets dangereux dans le flux de déchets domestiques, précisant qu’elles devraient être « toutes basées sur la responsabilité des producteurs ». Dans sa résolution subséquente, le Conseil lui emboîtait le pas en indiquant « que les implications d’un produit pour la gestion des déchets doivent être pleinement prises en considération à partir de la phase de conception et que, dans ce contexte, le producteur d’un produit a un rôle stratégique et une responsabilité pour ce qui est du potentiel que représente un produit pour la gestion des déchets, par sa conception, son contenu et sa construction ». Il invitait la Commission et les Etats membres, le cas échéant, à promouvoir des systèmes de retour, de collecte et de valorisation. Plus récemment, le sixième programme communautaire d’action pour l’environnement recensait, parmi les objectifs prioritaires en matière de déchets, l’encouragement à la réutilisation « en accordant la priorité à la valorisation des déchets et en particulier à leur recyclage », ajoutant que « ces objectifs sont poursuivis en tenant compte de la politique intégrée des produits …». Il annonçait un certain nombre d’actions prioritaires parmi lesquelles figurait la définition d’une stratégie thématique sur le recyclage des déchets comprenant notamment des mesures visant à « responsabiliser d’avantage les producteurs ».
C’est dans cette perspective que les autorités s’efforcent de mettre la REP en œuvre dans des domaines aussi divers que les emballages (A), les véhicules (B) ou les déchets d’équipements électriques et électroniques (C).
A- Les déchets d’emballage et emballages usagés
La directive n° 94/62 du 20 décembre 1994, sur les emballages et les déchets demballages, harmonise les mesures nationales concernant leur gestion. Priorité est donnée à la prévention des déchets demballages sur la réutilisation des emballages, le recyclage et les autres formes de valorisation des déchets demballage, ainsi qu’à la réduction de lélimination définitive de ces déchets. Toutefois, il n’est pas établi de hiérarchie entre la réutilisation des emballages et la valorisation des déchets d’emballage. Les objectifs de valorisation et de recyclage des déchets demballages sont fixés sous forme de fourchettes, tenant compte des diverses situations dans les Etats membres, et évitant de créer des entraves aux échanges et dentraîner des distorsions de la concurrence.
La directive n° 94/62 a par ailleurs ouvert la voie à de nouveaux instruments économiques « afin de promouvoir la réalisation des objectifs » en question. Toutefois, elle n’a pas institué de procédure spéciale pour l’adoption de ces mesures. En labsence, à l’époque, de tels instruments communautaires, elle a laissé les Etats membres prendre les mesures nationales qui leur paraissaient opportunes dans le but de prévenir et de réduire leur incidence sur lenvironnement. En particulier, les Etats membres peuvent favoriser des systèmes de réutilisation des emballages, mais dans une mesure conforme, en particulier à la libre-circulation des marchandises.
Les mesures nécessaires doivent être prises pour que soient instaurés des systèmes assurant la reprise et/ou la collecte des emballages utilisés et déchets d’emballages provenant du consommateur ou de tout autre utilisateur final, leur réutilisation ou leur valorisation. Les dispositions de la directive à cet égard étant peu prescriptives, elle ne fait pas obstacle, par exemple, au remplacement d’un système de collecte à proximité du domicile des consommateurs ou des points de vente par un système de consignation et de reprise individuelle. Mais il faut alors qu’il existe un nombre suffisant de points de reprise où les consommateurs puissent récupérer le montant de la consigne même s’ils ne retournent pas sur le lieu d’achat initial et que le passage au nouveau système se fasse sans rupture et sans mettre en péril la possibilité pour les acteurs économiques des secteurs concernés de participer effectivement au nouveau système dès son entrée en vigueur.
Les systèmes ainsi mis en place ne peuvent répondre de manière adéquate à la seconde ambition affichée de la directive n° 94/62, qui est d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en évitant « lapparition dentraves aux échanges et de distorsions et restrictions de concurrence ». Plus précisément, les Etats membres, en adoptant de tels instruments nationaux, devraient agir « conformément aux principes régissant la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement, entre autres le principe du pollueur payeur ». L’articulation entre la politique de l’environnement et le fonctionnement du marché intérieur, a priori également légitimes, est ici en cause. La directive exige, à ce titre, que les Etats membres notifient à la Commission, avant leur adoption, les projets des mesures qu’ils prévoient de prendre.
Mais, en pratique, certains pays avaient, dès avant l’adoption de la directive, élaboré des politiques hétérogènes en matière demballages en sappuyant sur des instruments divers. Cest le cas dune écotaxe en Belgique, mais aussi de la « Convention sur les emballages » aux Pays-Bas, et surtout de « DSD » (Duales System Deutschland) en Allemagne. En France, le décret n° 92/377 du 1er avril 1992 oblige limportateur de produits en provenance dautres Etats membres destinés à la consommation des ménages, aussi bien que leur producteur, à recourir à des emballages respectant certaines prescriptions techniques et à apposer sur ces emballages un logo certifiant ladhésion à un système agréé de récupération (c’est-à-dire, pour l’essentiel, ECO-EMBALLAGES).
Le caractère national des systèmes ainsi établis n’est naturellement pas sans poser toutes sortes de difficultés pour la libre-circulation des marchandises entre les Etats membres. Pourtant, les mesures adoptées plus récemment n’ont pas mis cette expérience à profit pour tenter d’en éviter la reproduction. Il en est notamment ainsi pour les véhicules hors d’usage.
B- Les véhicules hors d’usage
La directive n° 2000/53 du 18 septembre 2000, relative aux véhicules hors d’usage, vise à réduire leurs incidences négatives sur l’environnement en favorisant la prévention des déchets provenant des véhicules ainsi que leur réutilisation, leur recyclage et d’autres formes de valorisation. Elle affiche l’ambition d’« améliorer l’efficacité, au regard de la protection de l’environnement, de tous les opérateurs économiques intervenant dans le cycle de vie des véhicules, et en particulier de ceux intervenant directement dans le traitement des véhicules hors d’usage ».
Au titre de la prévention, les Etats membres doivent encourager la limitation et la réduction de l’utilisation de substances dangereuses dès la conception des véhicules. Le dispositif est à cet égard complété par la directive n° 2005/64 du 26 octobre 2005, concernant la réception par type des véhicules à moteur au regard des possibilités de leur réutilisation, de leur recyclage et de leur valorisation, visant à inciter les constructeurs de véhicules et leurs fournisseurs à « inclure ces aspects aux tout premiers stades de la conception de nouveaux véhicules, de façon à faciliter le traitement des véhicules hors dusage ». A cet effet, elle prévoit que les États membres n’octroient la réception – c’est à dire l’homologation -, au regard des possibilités de réutilisation, de recyclage et de valorisation, qu’aux types de véhicules qui satisfont à ses exigences.
La collecte des véhicules hors d’usage doit en être assurée par les « opérateurs économiques », c’est-à-dire les constructeurs, importateurs, les distributeurs, les collecteurs, les démonteurs, les broyeurs, les récupérateurs, les recycleurs et « les autres intervenants dans le traitement des véhicules hors d’usage », s’ajoutent, dans un souci évident d’assurer à tout prix l’effet utile de la mesure, les compagnies d’assurance automobile. A cet effet, ces opérateurs économiques doivent mettre en place des systèmes de collecte de tous les véhicules hors d’usage et pièces usagées, qui doivent être transférés vers des installations de collecte disponibles « de manière appropriée sur le territoire », ce qui donne lieu à la délivrance de certificats de destruction nécessaires pour obtenir l’annulation de leur immatriculation.
Ces systèmes constituent incontestablement des instruments économiques. La remise du véhicule à une installation de traitement autorisée « s’effectue sans frais pour le dernier détenteur et/ou propriétaire du fait de l’absence de valeur marchande du véhicule ou d’une valeur marchande négative ». Ce sont les producteurs qui soit en supportent les coûts, soit reprennent directement les véhicules. C’est ainsi à l’échelon du producteur, réputé pour la circonstance responsable des déchets, qu’intervient leur prise en charge. Mais, et c’est une des ambiguïtés des plus troublantes du dispositif, la directive qualifie de producteur tant le fabricant que l’importateur de véhicule en raison du caractère national des systèmes qu’elle prévoit. Ce qui pose des problèmes aigus de qualification dans un certain nombre de situations de moins en moins marginales, en particulier de vente à distance. Mais ces difficultés sont naturellement encore plus aiguës dans le cas des déchets d’équipements électriques et électroniques.
C - Les déchets d’équipements électriques et électroniques
La directive n° 2002/96, du 27 janvier 2003, relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), poursuit sur la voie ouverte en matière de déchets d’emballage et de véhicules hors d’usage. Elle a pour objet d’organiser le ramassage sélectif, le traitement et, dans une grande mesure, la valorisation de ces déchets d’équipements conçus pour être utilisés à une tension ne dépassant pas 1000 volts en courant alternatif et 1500 volts en courant continu. Des objectifs prévus par la directive constitueront pour les Etats membres une forte incitation à veiller au bon fonctionnement des systèmes devant être mis en place.
Ce sont essentiellement les producteurs qui doivent mettre en place des systèmes de collecte sélective, de traitement et de valorisation des DEEE, c’est-à-dire les fabricants des produits, leurs importateurs ou encore les revendeurs de produits commercialisés sous leurs propres marques.
Le financement des opérations est assuré différemment selon qu’elles concernent des DEEE provenant des ménages ou assimilés ou d’autres DEEE. S’agissant des DEEE provenant des ménages, les producteurs assurent « au moins » le financement de la collecte à partir du point de collecte, du traitement, de la valorisation et de lélimination non polluante s’ils sont déposés dans les installations de collecte prévues. Pour les produits mis sur le marché après le 13 août 2005, chaque producteur est responsable du financement concernant les déchets provenant de ses propres produits. Le producteur peut choisir de satisfaire à cette obligation par le biais de systèmes soit individuels soit collectifs. Quatre « éco-organismes » viennent ainsi d’être agréés en France et seront opérationnels le 15 novembre 2006. Les États membres veillent à ce que, lorsquil met un produit sur le marché, chaque producteur fournisse une garantie montrant que la gestion de lensemble des DEEE sera financée et à ce que les producteurs marquent leurs produits d’un logo représentant une poubelle barrée indiquant aux usagers qu’ils ne doivent pas s’en défaire dans le circuit ordinaire des ordures ménagères.
Le financement des frais de gestion des DEEE issus de « déchets historiques » est assuré par un ou plusieurs systèmes, auxquels tous les producteurs existant sur le marché lorsque les différents frais sont occasionnés contribuent « par exemple proportionnellement à leur part de marché respective par type déquipement ».
Quant aux DEEE autres que ceux provenant des ménages et assimilés, c’est également le producteur qui est en principe responsable du financement, mais avec certaines nuances pour les « déchets historiques », c’est-à-dire ceux mis sur le marché avant le 13 août 2005. Dans le cas des déchets historiques remplacés par de nouveaux produits équivalents ou par de nouveaux produits assurant la même fonction, le financement des frais de gestion est assuré par les producteurs de ces produits, mais les États membres peuvent prévoir que les utilisateurs y participent également, pour une partie ou pour la totalité. Dans le cas des autres déchets historiques, le financement des frais de gestion est assuré par les utilisateurs, sauf accord contraire entre les producteurs et les utilisateurs.
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S’il aura fallu une bonne dizaine d’années pour que des mesures participant à la protection économique et financière de l’environnement émergent, leur réalité n’est plus aujourd’hui contestable, à la différence de mesures participant à la protection économique et financière du droit à l’environnement qu’on cherche en vain. Quant à juger de l’efficacité de cette protection, il faudra sans aucun doute attendre au moins aussi longtemps, étant donné la complexité des instruments mis en œuvre et les dimensions des phénomènes auxquels ils s’attaquent – ces deux observations étant particulièrement justifiées dans les deux cas ci-dessus développés -. Si les problèmes posés par les déchets se manifestent à l’échelon local où ils doivent être traités et les changements climatiques au niveau mondial, ce qui les distingue a priori considérablement – et c’est bien ce qui exclut qu’elles soient invoquées au service d’un droit subjectif -, ni la création d’un marché de droits d’émission, ni la mise en place de filières de collecte, de traitement et de valorisation des produits usagés ne sont sans poser des questions nouvelles d’autant plus délicates que les coûts en sont considérables, tout autant peut-être que les enjeux.
A cet égard, il est difficile de ne pas faire état de la délicate problématique des distorsions de concurrence qui peuvent résulter, au niveau mondial, de la prise en charge d’un phénomène global tel que celui des changements climatiques par les seuls pays les plus avancés. Les commentateurs américains considèrent que le système « cap and trade » a largement fait ses preuves dans les années 1970 en matière de lutte contre l’acidification. Pourtant, les Etats-Unis ont adopté l’attitude de rejet que l’on sait à l’égard du Protocole de Kyoto au motif officiel de trop grands risques de délocalisation … vers des pays en transition – rapide - comme la Chine.
Et il serait erroné de penser qu’aucune distorsion de ce type n’est apparemment redoutée de la REP. Le fait que tous les producteurs écoulant leur produits sur le marché national y subissent les mêmes contraintes, et ce seulement pour les produits écoulés sur ce marché national, ne suffit pas à leur assurer l’équité. L’expérience, encore toute fraîche en la matière, montre qu’ici aussi, les « free-riders » perturbent les systèmes mis en place, qu’il s’agisse d’importateurs parallèles éphémères ou de vendeurs sur Internet.
Ainsi, plus que la question morale, un peu désuète, de savoir s’ils consacrent un « droit à polluer » en monnayant la possibilité